Paul Dirac (1902 – 1984)
Qu’est-ce que la beauté des équations ?
« Si vous ne connaissez pas vous-même les mathématiques, je ne pourrai pas vous l’expliquer, car vous ne me comprendriez pas ; et si vous connaissez les mathématiques, alors vous savez déjà ce que j’entends pas là…»
« Toute loi physique doit être empreinte de beauté mathématique. »
Paul Adrien Maurice Dirac
Dirac le taciturne
Paul Adrien Maurice Dirac est, à son époque, particulièrement réputé pour son laconisme, son économie de mots presque déplacée. De nombreuses anecdotes ont été rapportées à ce sujet.
Il aurait redouté les interviews avec les journalistes. En 1931, en séjour à l’université du Wisconsin, Dirac répondit ainsi à un journaliste lors d’un entretien :
– Professeur Dirac, j’ai remarqué que vous aviez beaucoup d’initiales devant votre nom de famille : P, A, et M. Ont-elles une signification particulière ?
– Non.
– Vous voulez dire que je peux les interpréter à ma guise ?
– Oui.
– Par exemple, si je disais que les lettres P, A et M signifient Poincaré, Aloysius et Mussolini, cela vous irait ?
– Oui.
– Pouvez-vous me donner des nouvelles de vos recherches ?
– Non.
– Qu’est-ce que vous aimez le plus en Amérique ?
– Les pommes de terre.
– Allez-vous au cinéma ?
– Oui.
– Quand ?
– En 1920.
– ?
Après un long silence :
– Peut-être aussi en 1930.
Nul n’a jamais entendu Dirac faire une tirade, une remarque triviale, ce qui, d’un autre côté, donnait du poids à ses paroles. Indifférent au froid, à la pluie, à l’inconfort, à la mauvaise qualité de la nourriture, Dirac aurait pu travailler sur une île déserte. Malgré son comportement à la limite de l’autisme, il fut un chercheur prolifique.
Petit florilège des anecdotes liées à Paul Dirac dans cette chronique du Monde selon Etienne Klein :
Une formation d’ingénieur
Paul Dirac est né à Bristol le 8 août 1902. A 16 ans, il part étudier le génie électrique à l’université de Bristol. Mais une fois son diplôme en poche, n’arrivant pas à obtenir de poste, il se passionne pour la relativité générale d’Einstein. Ainsi, il demande, puis obtient une bourse pour étudier pendant deux ans les mathématiques à l’université de Bristol dans le but de mieux comprendre les aspects de cette théorie qui le fascine tant.
Ceci lui permet d’obtenir en 1923 un poste au Département de recherche scientifique et industrielle à Cambridge. Il se passionne pour le modèle de l’atome successivement perfectionné par Rutherford, Bohr, Sommerfeld, dont il refait les calculs. Il s’intéresse au modèle de l’électron proposé par Bohr et par Heisenberg.
La beauté mathématique
Fasciné par la beauté des équations et du raisonnement mathématique, il pense qu’on peut parvenir à déterminer l’exactitude d’une théorie par son élégance mathématique. Son premier article, en 1925, met en évidence les différences entre formalisme de la physique quantique et de la physique classique, et lui assure une certaine notoriété. Il suit les grands débats scientifiques de l’époque sur les formalismes de la physique quantique mais ne s’y engage pas. En 1927, il commence la rédaction des Principes de la mécanique quantique, qui sera édité en 1930.
Complément : ce qui est mathématiquement beau est-il physiquement vrai ?
Anecdotes et efficacité des invariances en physique
L’équation de Dirac
Le grand problème de l’époque consistait en l’utilisation de l’équation de Schrödinger, dont les physiciens disposent depuis 1925. Le problème de cette équation, c’est qu’elle est adaptée aux particules les plus lentes seulement… Pendant une année entière, Dirac va travailler d’arrache-pied pour trouver une formulation adaptée aux particules les plus rapides et obtenir, en 1928, une équation d’onde relativiste pour l’électron, qui satisfait à la fois les principes de la physique quantique et les principes de la relativité. Il résout cette équation pour une particule libre, c’est-à-dire sans interaction avec d’autres particules : et obtient la probabilité de trouver l’électron dans un endroit dans un certain état.
A l’époque où le monde scientifique est en pleine révolution, où les théories s’additionnent en ayant l’air de se contredire, Dirac a une confiance absolue en son équation. C’est grâce à lui que l’existence d’une antiparticule de l’électron, puis de l’antimatière comme écho à la matière, ont été acceptés par les autres physiciens. Il reçoit le prix Nobel en 1933 (qu’il voulait d’abord refuser).
De retour à Cambridge, à la chaire occupée par Isaac Newton, il se consacre aux problèmes fondamentaux de la physique. A sa retraite en 1970, il prend un poste de professeur en Floride et continue parallèlement à rédiger des articles. Il en publie soixante, et même un petit livre sur la relativité générale, jusqu’à sa mort en 1984.
Dirac et la prédiction de l’antimatière
Pour approfondir, voir chapitre « Paul Dirac ou la beauté silencieuse du monde », dans Il était sept fois la Révolution