Site de vulgarisation scientifique d'Etienne Klein
"Il me plaît de penser que la physique est une sorte d’alpinisme intellectuel consistant à grimper jusqu’à des hauteurs himalayennes où le logos est rare et la vérité mutique."
1:46 Révolutions en physique concernant la lumière 3:14 Statut de la vitesse de la lumière dans la relativité restreinte 6:19 L’Esprit des Lumières ; citations de Hume, de Kant 11:01 A quelle distance sommes-nous de l’esprit des Lumières ? Citations de Bachelard, de Bourdieu 12:34 Comment notre rapport à la vérité a-t-il changé depuis les Lumières ? 14:24 Deux courants de pensée : désir de véracité et désir de vérité 17:55 Où en est-on de l’idée de progrès ? Expérience de pensée 21:31 Idée de progrès et conception d’un temps linéaire 22:01 L’idée de progrès, une idée doublement consolante ; le sacrifice personnel au profit d’un futur collectif 27:36 Canguilhem et la décadence de l’idée de progrès 29:55 Sens de la phrase : « On n’arrête pas le progrès » 31:22 L’innovation est-elle en contradiction avec l’idée de progrès ? 33:21 Origine du mot « innovation », l’idée d’un temps destructeur (Bacon) 37:03 Texte de Nietzsche : « L’avenir de la science » 37:51 Comment moderniser l’idée de progrès ? Les symboles de l’idée de progrès 40:16 L’idée de progrès est-elle morte ?
37:03 Texte de Nietzsche : « L’avenir de la science »
L'avenir de la science
La science donne à celui qui y consacre son travail et ses recherches beaucoup de satisfaction, à celui qui en apprend les résultats, fort peu. Mais comme peu à peu toutes les vérités importantes de la science deviennent ordinaires et communes, même ce peu de satisfaction cesse d’exister : de même que nous avons depuis longtemps cessé de prendre plaisir à connaître l’admirable Deux fois deux font quatre. Or,si la science procure par elle-même toujours de moins en moins de plaisir, et en ôte toujours de plus en plus, en rendant suspects la métaphysique, la religion et l’art consolateurs : il en résulte que se tarit cette grande source du plaisir, à laquelle l’homme doit presque toute son humanité. C’est pourquoi une culture supérieure doit donner à l’homme un cerveau double, quelque chose comme deux compartiments du cerveau, pour sentir, d’un côté, la science, de l’autre, ce qui n’est pas la science : existant côte à côte, sans confusion, séparables, étanches : c’est là une condition de santé. Dans un domaine est la source de force, dans l’autre le régulateur : les illusions, les préjugés, les passions doivent servir à échauffer, l’aide de la science qui connaît doit servir à éviter les conséquences mauvaises et dangereuses d’une surexcitation. — Si l’on ne satisfait point à cette condition de la culture supérieure, on peut prédire presque avec certitude le cours ultérieur de l’évolution humaine : l’intérêt pris à la vérité cessera à mesure qu’elle garantira moins de plaisir ; l’illusion, l’erreur, la fantaisie, reconquerront pas à pas, parce qu’il s’y attache du plaisir, leur territoire auparavant occupé : la ruine des sciences, la rechute dans la barbarie est la conséquence prochaine ; de nouveau l’humanité devra recommencer à tisser sa toile, après l’avoir, comme Pénélope, détruite pendant la nuit. Mais qui nous est garant qu’elle en retrouvera toujours la force ?