La science au défi de la langue
Jean-Marc Lévy-Leblond est professeur émérite à l’université de Nice. Il dirige la revue Alliage qu’il a lui-même fondée ainsi que la collection « Science ouverte » au Seuil. Spécialiste de physique et d’épistémologie, il aime surtout se définir comme « critique de science » et a écrit de nombreux essais dans ce sens.
Dans un texte de réflexion sur les rapports entre science et langage intitulé :
Jean-Marc Lévy-Leblond réfute les idées de langage propre à la science et de langue parfaitement adaptée à la science (en particulier l’anglais), et souligne la nécessité actuelle d’une réflexion critique sur le langage scientifique.
Résumé
La science classique, au dix-neuvième siècle en particulier, s’est caractérisée par une activité langagière intense, se livrant à une production inventive et à une analyse critique de son vocabulaire. La science du vingtième siècle fait preuve à cet égard d’une étonnante désinvolture, dévaluant la langue commune au profit d’écritures formelles et rabattant la création terminologique sur la trouvaille publicitaire. Les conséquences négatives, épistémologiques et pédagogiques, en sont lourdes. Le cas de la physique moderne est ici emblématique.
Une étude du rôle complexe de la langue dans l’activité scientifique (à la fois sur les plans de la production, de l’évaluation et de la transmission des savoirs) montre pourtant l’importance d’une pratique langagière consciente et déterminée, ce qui appelle une réflexion sur les mutations nécessaires des formes professionnelles de la recherche scientifique, et sur ses relations avec les domaines de la culture traditionnelle. C’est dans ce contexte que la question de savoir quelle(s) langue(s) peut utiliser la science doit être posée.