Peut-on voyager dans le temps ?
1:16 Que veut dire « voyager dans le temps » ?
5:37 Pourquoi la machine à remonter dans le temps n’existe-t-elle toujours pas ?
7:48 Les voyages dans le temps en science-fiction (Wells, Sprague de Camp, Kuttner et Moore, Grimwood, Benford, Anderson)
15:12 Le LHC peut-il remonter dans le temps ? Non ! L’invariance des lois physiques dans le temps et l’évolution des conditions physiques
21:01 Une remarque : deux temps distincts dans les histoires de voyages dans le temps (Alain)
24:14 Les théories physiques et notre façon de dire le temps
27:01 Découvertes philosophiques négatives dans le cas du temps ; la réversibilité des lois physiques
32:40 Le cours du temps et la flèche du temps
34:02 L’œuvre de Roman Opalka, ou la matérialisation du cours du temps en peinture
37:49 Le débat Newton (Clarke) – Leibniz : substantialisme vs relationnalisme ; son écho aujourd’hui
43:12 La métaphore du fleuve et ses « a priori clandestins »
45:29 La vitesse du temps, une absurdité ! Exemple du paradoxe des jumeaux de Langevin
53:55 L’ordre des phénomènes est-il lié au sujet qui les observe ou aux phénomènes eux-mêmes ? (Kant, Critique de la Raison pure)
57:00 Le principe de causalité et le choix d’un temps linéaire en physique
1:01:12 En relativité restreinte, la simultanéité n’est plus absolue
1:05:18 Le rayonnement cosmique, l’équation de Dirac et la prédiction de l’antimatière
1:11:53 Nous émettons en permanence des antiparticules, preuve que les voyages dans le temps sont impossibles !
15:12 Le LHC peut-il remonter dans le temps ? Non ! L’invariance des lois physiques dans le temps et l’évolution des conditions physiques
Au début du XXe siècle, un théorème crucial est venu encore renforcer la puissance conceptuelle de la loi de conservation de l’énergie. En 1918, la mathématicienne Emmy Noether établit qu’à toute invariance selon un groupe de symétrie est nécessairement associée une quantité conservée en toutes circonstances, c’est-à-dire une loi de conservation. Postulons par exemple que les lois de la physique sont invariantes par translation du temps, c’est-à-dire qu’elles ne changent pas si l’on modifie le choix de l’instant de référence, « l’origine » à partir de laquelle sont mesurées les durées. Cela consiste à dire que les lois régissant toute expérience de physique ne sauraient dépendre du moment particulier où l’expérience est réalisée : pour elles, tout instant doit en valoir un autre, de sorte qu’il n’existe aucun instant particulier qui puisse servir de référence absolue pour les autres. Lorsqu’on applique le théorème de Noether, on découvre que cette invariance par translation du temps a pour corollaire direct la conservation de l’énergie. Prenons un exemple : imaginons que la force de pesanteur varie de façon périodique dans le temps, qu’elle soit par exemple très faible chaque jour à midi et très forte à minuit. On pourrait alors monter quotidiennement une charge au sommet d’un immeuble à midi, puis la projeter dans le vide à minuit. L’énergie ainsi gagnée serait plus élevée que l’énergie dépensée. Il n’y aurait donc plus conservation de l’énergie.
La loi de conservation de l’énergie a donc une profondeur théorique qui dépasse largement sa formulation habituelle : elle exprime rien de moins que la pérennité des lois physiques, c’est-à-dire leur invariance au cours du temps.
Extrait de Quelques mots sur l'énergie d'Etienne Klein
Retrouvez l'intégralité du texte ici.
34:02 L’œuvre de Roman Opalka, ou la matérialisation du cours du temps en peinture
37:49 Le débat Newton (Clarke) – Leibniz : substantialisme vs relationnalisme ; son écho aujourd’hui
Pour moi, j’ai remarqué plus d’une fois que je tenais l’espace pour quelque chose de purement relatif, comme le temps ; pour un ordre des coexistences, comme le temps est un ordre des successions. […]
Supposé que quelqu’un demande pourquoi Dieu n’a pas tout créé un an plus tôt ; et que ce même personnage veuille inférer de là, que Dieu a fait quelque chose dont il n’est pas possible qu’il y ait une raison pourquoi [pour laquelle] il a fait ainsi plutôt qu’autrement : on lui répondrait que son illation [déduction] serait vraie, si le temps était quelque chose hors des choses temporelles ; car il serait impossible qu’il y a eu des raisons pourquoi [pour lesquelles] les choses eussent été appliquées plutôt à de tels instants qu’à tels autres, leur succession demeurant la même. Mais cela même prouve que les instants hors des choses ne sont rien, et qu'ils ne consistent dans leur ordre successif ; lequel demeurant le même, l'un des deux états, comme celui de l'anticipation imaginée, ne différerait en rien, et ne saurait être discerné de l’autre qui est maintenant.
Extraits des paragraphes 4 et 6 du troisième écrit de Leibniz, 25 février 1716
If space was nothing but the order of things coexisting, it would follow, that if God should remove in a straight line the whole material world entire, with any swiftness whatsoever, yet it would still always continue in the same place: and that nothing would receive any shock upon the most sudden stopping of that motion. And if time was nothing but the order of succession of created things, it would follow, that if God had created the world millions of ages sooner than he did, yet it would not have been created at all the sooner. Further: space and time are quantities; which situation and order are not.
Paragraphe 4 de la troisième réponse de Clarke à Leibniz, mi-avril 1716
Eléments d'explication
Dans le passage ci-dessus, Leibniz défend la conception d'un temps relatif, où seule n'a de réalité que la succession des événements. Pour comprendre sa démonstration, il faut savoir que Leibniz pose comme axiome le Principe de raison suffisante, qui stipule que rien ne se produit sans cause, et qui permet d'expliquer pourquoi les choses sont telles qu'elles sont et pas autrement.
Dans le paragraphe qui précède celui qui est cité, Leibniz montre qu'en vertu de ce principe, il est impossible que l'espace ait une réalité absolue. En effet, dans un espace absolu, rien ne distingue un point d'un autre ; or, si tous les points de l'espace sont équivalents, il n'y a pas de raison pour qu'un objet se trouve à tel endroit plutôt qu'à tel autre, ce qui contredit le principe de raison suffisante.
L'argument est le même en ce qui concerne le temps : si le temps était absolu, tous les instants du temps seraient équivalents, et il n'y aurait pas plus de raison que le monde ait été créé par Dieu à tel moment plutôt qu'à tel autre, ce qui là aussi contredit le principe de raison suffisante.
Clarke réplique que si l'espace n'était que la disposition relative des objets entre eux, alors les objets occuperaient toujours la même place dans l'espace, et cette disposition ne changerait jamais, ce qui est absurde ! Quant au temps, s'il n'était que succession des événements, alors le fait de dire "Dieu aurait pu créer le monde des millions d'années plus tôt" (comme le prétend Leibniz) n'aurait aucun sens : l'enchaînement des événements aurait été le même, et il n'y aurait aucun moyen de distinguer un monde créé à l'instant t d'un monde créé bien avant.
Ainsi Clarke, disciple de Newton, défend la conception d'un espace et d'un temps absolus.
Extraits de la correspondance Clarke - Leibniz disponibles ici (en anglais)
Portions du texte mises en gras par nous pour mettre en valeur l'essentiel.
43:12 La métaphore du fleuve et ses « a priori clandestins »
On ne peut pas se baigner deux fois dans le même fleuve. [Toutes choses] se répandent et de nouveau se contractent, s'approchent et s'éloignent.
Extrait des Fragments d'Héraclite, VIe siècle av. J.C.
45:29 La vitesse du temps, une absurdité !
Le Monde selon Etienne Klein
Un temps de temps
53:55 : L’ordre des phénomènes est-il lié au sujet qui les observe ou aux phénomènes eux-mêmes ? (Kant, Critique de la Raison pure)
Revenez à la source, la deuxième analogie kantienne de la Critique de la Raison pure (1781) :
Je perçois que des phénomènes se succèdent, c’est-à dire qu’un certain état des choses existe à un moment, tandis que le contraire existait dans l’état précédent. Je relie donc, à proprement parler, deux perceptions dans le temps. Or cette liaison n’est pas l’œuvre du simple sens et de l’intuition, mais le produit d’une faculté synthétique de l’imagination, qui détermine le sens intérieur relativement aux rapports de temps. C’est cette faculté qui relie entre eux les deux états de telle sorte que l’un ou l’autre précède dans le temps ; car le temps ne peut pas être perçu en lui-même, et c’est uniquement par rapport à lui que l’on peut déterminer dans l’objet, empiriquement en quelque sorte, ce qui précède et ce qui suit. Tout ce dont j’ai conscience, c’est donc que mon imagination place l’un avant et l’autre après, mais non pas que dans l’objet un état précède l’autre ; en d’autres termes, la simple perception laisse indéterminé le rapport objectif des phénomènes qui se succèdent. Or pour que ce rapport puisse être connu d’une manière déterminée, il faut que la relation entre les deux états soit conçue de telle sorte que l’ordre dans lequel ils doivent être placés se trouve par là déterminé comme nécessaire, celui-ci avant, celui-là après, et non dans l’ordre inverse. Mais le concept qui renferme la nécessité d’une union synthétique ne peut être qu’un concept pur de l’entendement, et il ne saurait se trouver dans la perception. C’est ici le concept du rapport de la cause et de l’effet, c’est-à-dire d’un rapport dont le premier terme détermine le second comme sa conséquence, et non pas seulement comme quelque chose qui pourrait précéder dans l’imagination (ou même n’être pas du tout perçu). Ce n’est donc que parce que nous soumettons la série des phénomènes, par conséquent tout changement, à la loi de la causalité, que l’expérience même, c’est-à-dire la connaissance empirique de ces phénomènes est possible ; par conséquent ils ne sont eux-mêmes possibles comme objets d’expérience qu’au moyen de cette loi.
L’appréhension de ce qu’il y a de divers dans le phénomène est toujours successive. Les représentations des parties se succèdent les unes aux autres. Quant à savoir si elles se suivent aussi dans l’objet, c’est là un second point de la réflexion, qui n’est pas contenu dans le premier. Or on peut bien nommer objet toute chose, et même toute représentation, en tant qu’on en a conscience ; mais, si l’on demande ce que signifie ce mot par rapport aux phénomènes, envisagés, non comme des objets (des représentations), comme désignant seulement un objet, c’est là la matière d’une recherche plus approfondie. En tant qu’ils sont simplement, comme représentations, des objets de conscience, ils ne se distinguent pas de l’appréhension, c’est-à-dire de l’acte qui consiste à les admettre dans la synthèse de l’imagination, et par conséquent on doit dire que ce qu’il y a de divers dans les phénomènes est toujours produit successivement dans l’esprit. Si les phénomènes étaient des choses en soi, personne ne pourrait expliquer par la succession des représentations de ce qu’ils ont de divers comment cette diversité est liée dans l’objet. En effet nous n’avons affaire qu’à nos représentations ; il est tout à fait en dehors de la sphère de notre connaissance de savoir ce que peuvent être les choses en soi (considérées indépendamment des représentations par lesquelles elles nous affectent). Mais, bien que les phénomènes ne soient pas des choses en soi et qu’ils soient néanmoins la seule chose dont nous puissions avoir connaissance, je dois montrer quelle liaison convient dans le temps à ce qu’il y a de divers dans les phénomènes eux-mêmes, tandis que la représentation de cette diversité est toujours successive dans l’appréhension. Ainsi, par exemple, l’appréhension de ce qu’il y a de divers dans le phénomène d’une maison, placée devant moi, est successive. Or demande-t-on si les diverses parties de cette maison sont aussi successives en soi ; personne, assurément, ne s’avisera de répondre oui. Mais si, en élevant mes concepts d’un objet jusqu’au point de vue transcendental, je vois que la maison n’est pas un objet en soi, mais seulement un phénomène, c’est-à-dire une représentation, dont l’objet transcendental est inconnu, qu’est-ce donc que j’entends par cette question : comment ce qu’il y a de divers dans le phénomène lui-même (qui pourtant n’est rien en soi) peut-il être lié ? Ce qui se trouve dans l’appréhension successive est considéré ici comme représentation ; mais le phénomène qui m’est donné, quoique n’étant qu’un ensemble de ces représentations, est considéré commel’objet de ces mêmes représentations, comme un objet avec lequel doit s’accorder le concept que je tire des représentations de l’appréhension. On voit tout de suite que, comme l’accord de la connaissance avec l’objet constitue la vérité, il ne peut être ici question que des conditions formelles de la vérité empirique, et que le phénomène, par opposition aux représentations de l’appréhension, ne peut être représenté que comme un objet différent de ces représentations, en tant que l’appréhension est soumise à une règle qui la distingue de toute autre, et qui rend nécessaire une espèce de liaison de ses éléments divers. Ce qui dans le phénomène contient la condition de cette règle nécessaire de l’appréhension, est l’objet.
Venons maintenant à notre question. Que quelque chose arrive, c’est-à-dire qu’une chose ou un état, qui n’était pas auparavant, soit actuellement c’est ce qui ne peut être empiriquement perçu, s’il n’y a pas eu précédemment un phénomène qui ne contenait pas cet état ; car une réalité qui succède à un temps vide, par conséquent un commencement que ne précède aucun état des choses, ne peut pas plus être appréhendé par nous que le temps vide lui-même. Toute appréhension d’un événement est donc une perception qui succède à une autre. Mais comme, dans toute synthèse de l’appréhension, les choses se passent ainsi que je l’ai montré plus haut pour l’appréhension d’une maison, elle ne se distingue pas encore par là des autres. Voici seulement ce que je remarquerai en outre : si dans un phénomène contenant un événement, j’appelle A l’état antérieur de la perception, et Β le suivant, Β ne peut que suivre A dans l’appréhension, et la perception A ne peut pas suivre B, mais seulement le précéder. Je vois, par exemple, un bateau descendre le courant d’un fleuve. Ma perception du lieu où ce bateau se trouve en aval du fleuve, succède à celle du lieu où il se trouvait en amont, et il est impossible que dans l’appréhension de ce phénomène le bateau soit perçu d’abord en aval, et ensuite en amont. L’ordre des perceptions qui se succèdent dans l’appréhension est donc ici déterminé, et elle-même en dépend. Dans le précédent exemple de l’appréhension d’une maison, mes perceptions pouvaient commencer par le faîte de la maison et finir par les fondements, ou bien commencer par le bas et finir par le haut, et de même elles pouvaient appréhender par la droite ou par la gauche les éléments divers de l’intuition empirique. Dans la série de ces perceptions, il n’y avait donc pas d’ordre déterminé qui me forçât à commencer par ici ou par là pour lier empiriquement les éléments divers de mon appréhension. Mais cette règle ne saurait manquer dans la perception de ce qui arrive, et elle rend nécessaire l’ordre des perceptions successives (dans l’appréhension de ce phénomène).
Je dériverai donc, dans le cas qui nous occupe, la succession subjective de l’appréhension de la succession objective des phénomènes, puisque la première sans la seconde serait tout à fait indéterminée et ne distinguerait aucun phénomène d’un autre. Seule, celle-là ne prouve rien quant à la liaison des éléments divers dans l’objet, puisqu’elle est tout arbitraire. La seconde consistera donc dans un ordre des éléments divers du phénomène, tel que l’appréhension de l’un (qui arrive) suive, selon une règle, celle de l’autre (qui précède). C’est ainsi seulement que je puis être fondé à dire du phénomène lui-même, et non pas seulement de mon appréhension, qu’on y doit trouver une succession ; ce qui signifie que je ne saurais établir l’appréhension que précisément dans cette succession.
D’après ce principe, c’est donc dans ce qui en général précède un événement que doit se trouver la condition qui donne lieu à une règle selon laquelle cet événement suit toujours et nécessairement ; mais je ne puis renverser l’ordre en partant de l’événement et déterminer (par l’appréhension) ce qui précède. En effet, nul phénomène ne retourne du moment suivant à celui qui précède, quoique tout phénomène se rapporte à quelque moment antérieur ; un temps étant donné, un autre temps déterminé le suit nécessairement. Puis donc qu’il y a quelque chose qui suit, il faut nécessairement que je le rapporte à quelque chose qui précède et qu’il suit selon une règle, c’est-à-dire nécessairement, de telle sorte que l’événement, comme conditionné, nous renvoie sûrement à quelque condition qui le détermine.
Extrait de la Critique de la Raison pure, Deuxième analogie
Portions du texte mises en gras par nous pour mettre en valeur l'essentiel.
Le texte de Kant est disponible dans son intégralité sur la Wikisource.
1:01:12 En relativité restreinte, la simultanéité n’est plus absolue
Voici un extrait de l'article de juin 1905 d'Einstein (traduit en français), qui pose les fondements de la relativité restreinte :
Supposons de plus que deux horloges synchronisées avec des horloges dans le système stationnaire sont fixées aux extrémités A et B d'une tige, c'est-à-dire que les temps des horloges correspondent aux « temps du système stationnaire » aux points où elles arrivent ; ces horloges sont donc « synchronisées dans le système stationnaire ».
Imaginons encore qu'il y a deux observateurs auprès des deux horloges qui se déplacent avec elles, et que ces observateurs appliquent le critère de synchronisme du § 1 aux deux horloges. Au temps tA, un rayon lumineux va de A, est réfléchi par B au temps tB et arrive à A au temps t'A. Prenant en compte le principe de la constance de la vitesse de la lumière, nous avons 
et
où rAB est la longueur de la tige en mouvement, mesurée dans le système stationnaire [v est la vitesse (uniforme) de la tige selon un axe et V est la vitesse de la lumière dans le vide, supposée constante]. En conséquence, les observateurs qui se déplacent avec la tige en mouvement n'affirmeront pas que les horloges sont synchronisées, même si les observateurs dans le système stationnaire témoigneront que les horloges sont synchronisées.
Nous en concluons que nous ne pouvons pas attacher une signification absolue au concept de simultanéité. Dès lors, deux évènements qui sont simultanés lorsque observés d'un système ne seront pas simultanés lorsque observés d'un système en mouvement relativement au premier.
Extrait de Sur l’électrodynamique des corps en mouvement (1905)
Traduction de l’allemand vers l’anglais : D.H, Jivesh3141 et l’IP 83.79.31.102
Traduction de l’anglais vers le français : Cantons-de-l’Est et Simon Villeneuve
Texte sous licence CC-BY-SA
1:05:18 Le rayonnement cosmique, l’équation de Dirac et la prédiction de l’antimatière
À partir d’arguments en apparence assez compliqués, mais qui s’inspirent en droite ligne de son idéal de beauté et de simplicité, il vient d’écrire une équation d’onde relativiste pour l’électron, équation qui satisfait à la fois aux principes de la physique quantique (elle décrit l’électron par une fonction d’onde) et aux principes de la relativité (puisqu’elle respecte les invariances qui leur sont associées).
Dans les semaines qui suivent, Dirac entreprend un autre labeur, tout aussi acharné. Il parvient à résoudre cette équation pour une particule libre, c’est-à-dire sans interaction avec d’autres particules. Ses solutions ont une structure mathématique curieuse : elles s’écrivent sous la forme de quatre nombres complexes placés en colonne, ce qu’on appelle un vecteur à quatre composantes. Les deux premières composantes ont toutefois une interprétation simple : elles concernent l’électron, avec ses deux états de spin possible. [...]
Mais la vraie surprise, ce sont les deux dernières composantes. Pourquoi ? Parce qu’elles correspondent à des énergies… négatives ! De quelle sorte d’objets sont-elles l’écho ? S’il s’agit de particules, alors elles devraient avoir une masse au repos elle aussi négative, donc se déplacer, sous l’action d’une force, dans le sens contraire à celui d’une particule ordinaire d’énergie positive. Autrement dit, elles devraient se comporter exactement comme la mule de la fable : tirez la en avant, elle part en arrière ![...]
Un certain flottement perdure jusqu’en mai 1931, date à laquelle Dirac a une idée de génie, qui lui permet d’effectuer sa grande percée - « un petit pas en avant » dans son vocabulaire : il entrevoit que les énergies négatives, si elles existent, décrivent une nouvelle particule, jamais observée, de même masse que l’électron et de charge électrique positive. Il prédit ainsi l’existence d’un nouvel objet microscopique, le positron, qui est l’antiparticule de l’électron.
Extrait de Il était sept fois la révolution
Equation de Dirac :
où m est la masse de la particule, c la vitesse de la lumière, \hbar la constante de Planck réduite, x et t les coordonnées dans l'espace et dans le temps, et ψ(x,t) une fonction d'onde à quatre composantes. [Wikipédia]
Paul Dirac